José Duarté
Légende: Jean et José Duarté
Né en 1894 en Espagne à Lumbreras province de Murcia, mon grand-père José s'installe à Averton (Mayenne) avec toute sa famille et ouvre sa première carrière. Mais permettez-moi ce retour en arrière. Arrivés en France à Mèze sur le bassin de Thau (34) le 2 avril 1920 avec son épouse Antonia, il exercera d'abord le métier d'ouvrier agricole, fuyant une Espagne très pauvre où la noblesse et l’Église règnent en maître. A ce titre, je vous livre un extrait du livre "Chroniques des années 50 en Mayenne", de l'écrivain baldicéen Bernard MUNOZ, instituteur à la retraite et qui a très bien connu mon grand-père , en même temps c'était aussi le sien 😏. Pour tout renseignement, article (cliquez).
" Il faut dire que la tradition familiale n’était pas empreinte de catholicisme. Mes arrière-grand-mères ne portaient guère dans leur cœur les curés espagnols. Lorsqu’elles en parlaient, elles évoquaient la collusion qui existait entre les « grands » d’Espagne et le Clergé, considérant qu’elles avaient été plutôt humiliées et piétinées par ceux qui auraient dû être beaucoup plus proches du peuple. Mon grand père maternel n’était guère plus « catholique » lorsque, évoquant une punition infligée par le prêtre, ce dernier avait eu la « lumineuse » idée d’enfermer le gamin qu’il était dans un réduit où se trouvaient des figues en train de sécher; et de m’avouer avec quel plaisir il s’était fait un devoir de les déguster toutes.
C’était l’expression d’une certaine lutte des classes.
Et quand éclata la Guerre Civile en Espagne, de près ou de loin, mes ancêtres combattirent tout naturellement au côté des Républicains.
Mon grand-père était agnostique; il pensait qu’un Dieu pouvait peut-être exister, mais pourquoi y en avait-il tant de par le monde? Entre celui des différentes catégories de catholiques, celui des musulmans, celui des bouddhistes… Difficile d’opérer un choix pertinent. Lui qui n’avait que fort peu séjourné à l’école des prêtres (ses parents n’avaient pas le sou) et qui maîtrisait fort mal l‘écriture même en espagnol, il avait fini à force d’obstination par suffisamment dominer le français écrit pour lire des bouquins « pas faciles » traitant des religions, de la philosophie… sans oublier la revue satirique anticléricale intitulée « La Calotte » à laquelle il était abonné!
Mais s’il doutait sur la religion, il avait une foi inébranlable en l’Homme. Il considérait qu’à terme, tous les citoyens de la Planète seraient contraints de s’entendre; et comme il était nécessaire de « s’entendre », il pensait qu’une langue universelle émergerait; c’est ainsi qu’il possédait de nombreux livres sur ce langage « véhiculaire et artificiel » que tenta d’être l’Espéranto."
Le séjour dans l'Hérault sera de courte durée et l'année suivante une partie de la famille prendra, dans un premier temps, le chemin de la Normandie et s'installera près de Sées. Premiers pas dans le monde des "casseux d'pierres" il sera mineur à la carrière de Fontaine Riant, près de Sées (Orne), ville où mon père verra le jour. Précision, le minage et le forage se font à la main, une barre équipée de taillant frappée à la force des bras avec une masse. Travail de bagnard ! ! !
En effectuant quelques recherches sur Internet, je suis tombé sur cette photo de la carrière de Nercy, extraite de ce site. Même si c'est un autre site, elle est très révélatrice de ce qu'était une carrière à cette époque, époque où l'hydraulique n'avait pas encore été inventé.
Nouveau départ, un peu plus au nord et installation en Mayenne, à Averton dans un premier temps. En 1929 il ouvre sa première carrière au Châble. Les blocs de pierres sont alors cassés à la masse (7kgs) et réduits en ballast et macadam avec des massettes. En 1932, il installe un concasseur et un gravillonneur ce qui rendra la tâche des ouvriers moins rude. A cette époque les ouvriers travaillent 8h par jour, 6 jours par semaine, pour un taux horaire compris de 1.20 F à 3.50 F quand ils ne sont pas tâcherons, payés au travail fourni . Le registre du personnel, que je scannerai un jour, montre la rudesse du travail, pour preuve l'important turn-over à une période où le travail manuel est légion, les ouvriers devenant tour à tour ouvrier agricole ou dans les travaux publics.
En 1949, ouverture du gisement des Roches et abandon de la carrière du Châble, j'y consacrerai d'autres articles.
Passionné par les arbres fruitiers, il avait planté dans un coin de la carrière tout un tas d'arbres, cerisiers, poiriers, pommiers, pêchers etc, ce qui était pour le moins surprenant.
A l'heure de la retraite, dans son jardin, près de ses clapiers avec un garnement qui n'a pas changé, vous remarquerez ou pas les grilles des cribles recyclées en porte.
A suivre...
Article lié: Gaby Duarté