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Poclain 125B et 170B en Maurienne, Savoie

4 Février 2025 , Rédigé par Pascal Publié dans #Ferroviaire, #Machines après 1974

 

 

 

 

 

J'ai passé 10 ans de ma vie en Savoie, dans la vallée de la Maurienne, principalement sur des travaux de mise au gabarit GB1 des tunnels entre St Avre la Chambre et l'Italie. Cette vallée encaissée voit plusieurs infrastructures se côtoyer, la RN6 devenue D1006, la voie ferrée Culoz-Modane, l'A43 (ouverte par tronçons entre 1997 et 2000) et l'Arc. Cette rivière de 127 km de long prend sa source à Bonneval sur Arc en Haute-Maurienne et se jette dans l'Isère en combe de Savoie vers Aiton, elle a un régime torrentiel. Comme dans d'autres vallée alpines, l'industrialisation de cette vallée est indissociable de sa rivière, aménagements hydrauliques produisant de l'électricité nécessaire au bon fonctionnement de son industrie. Elle a aussi payé un lourd tribu aux "sautes d'humeur" de sa rivière, la crue centennale de 1957 est encore dans toutes les mémoires. Un fort redoux, un foehn soufflant sur les montagnes et accélérant la fonte des neiges, et c'est toute la vallée qui souffrit de la crue de l'Arc comme le montre la photo ci-dessous.

Usine de la Saussaz, St Michel de Maurienne et la voie ferrée

Au début des années 2000, j'ai eu l'occasion de récupérer un CD de photos retraçant les travaux de remise en état de la ligne entre St Michel et Berchettes, zone ayant subi de gros dégâts suite une autre crue, celle de 1993.

Rappel historique, extrait de la revue "Flash rivière de l'Arc et de ses affluents" de novembre 2023 et édité par la Syndicat du Pays de Maurienne:

La crue du 22 au 24 septembre1993 est la première crue succédant à la crue historique de 1957. Le débit de l’Arc a atteint 500 m³/s à Saint-Michel de Maurienne (période de retour estimée à 50 ans à Modane). Cette crue est la conséquence d’un régime de Lombarde (précipitations venant de l’Italie et tombant à proximité de la frontière) avec des précipitations jusqu’à 3000 m d’altitude. La crue n’a fait aucune victime et aucune maison n’a été emportée. En revanche les dégâts sur les voies de communication
ont été conséquents. A Saint-Michel de Maurienne, l’Arc est sorti de son lit au niveau du hameau des Sorderettes. La route a été submergée par l’eau mêlée à des troncs d’arbres et de nombreux blocs. La voie ferrée a été coupée, les rails se retrouvant suspendus dans le vide suite à l’affaissement du talus. En Haute Maurienne, la route nationale 6 a également été coupée en plusieurs endroits et la salle des fêtes de Termignon a été inondée.

J'ai longtemps hésité à partager ces photos sur le blog, en effet les photos sont assez petites, à l'opposé de ce que j'aime partager ici. Finalement, de plus en plus de personnes semblent regarder ce blog sur leurs smartphones donc le format ne devrait pas les déranger.

Pour ceux qui connaissent le secteur, la voie ferrée ne se voit plus à cet endroit, en effet elle est masquée par  l'A43 en remblai (mur écailles) qui est entre la D1006 et les voies. Sur cette photo, au fond à gauche le torrent du Poucet, et le Syndicat du Pays de Maurienne le décrit ainsi: c'est un affluent de l’Arc situé sur les communes d’Orelle et de Saint Michel de Maurienne. Ce torrent est l’un des plus actifs de la vallée de la Maurienne, et est à l’origine de fréquentes laves torrentielles pouvant transporter des blocs très volumineux (> 10 m3). Les matériaux issus de ces laves torrentielles se déposent en général à la confluence avec l’Arc, et peuvent créer un véritable bouchon dans le lit de l’Arc.

Revenons à notre événement. Une centaine de mètres de remblai a été emportée par la crue sous les deux voies. Il est fort probable que la présence d'un ouvrage sous la voie ait finalement limité l'affouillement. Par contre les artères câbles (télécom, signalisation) voie 1 n'ont pas résisté au déferlement des eaux.

Nettoyage de la RN6 dans un premier temps

 

Un ouvrage d'art a sûrement limité le volume de remblai emporté

 

Le support est resté accroché via la suspente à la caténaire

 

Afin de pouvoir remonter le remblai, il est nécessaire de déposer les deux voies qui pendent dans le vide. En faisant un rapide calcul (travelage de 1666 traverses/km de traverses béton bi-bloc de 240 kg/U,  des rails 50 kg/ml), on arrive à un poids de 50 T pour 100 ml de voie, sans parler de la souplesse de l'ensemble et de la grande élasticité des rails mais aussi en forte tension.....rendant impossible la découpe dans l'état. Le choix s'est porté sur un remblaiement provisoire sous les files afin de reposer la voie dessus avant découpe et évacuation.

 

 

Remblaiement sur toute la longueur de la brêche

 

Pour mener à bien la tâche de dépose, les entreprises mobilisées en urgence ont mis en œuvre 1 Poclain 125B, une 170B, un chargeur Hough et 2 Caterpillar 235 et 229D.

 

Sur le cliché ci-dessous, vous remarquerez la grande souplesse du rail et la déformation due au tirage de l'ensemble par la 170B.

Une fois la voie découpée à chaque extrémité, il s'agit de faire glisser gentiment l'ensemble vers la route.

Poclain 170B

 

 

Poclain 170B

La voie maintenant sur la nationale 6, ou du moins ce qu'il en reste, la voie va pouvoir être démontée en toute sécurité et le remblai monté dans les règles de l'art malgré l'urgence de rétablir au plus vite cet axe vital entre la France et l'Italie. Opération rondement menée par les équipes locales de la  SNCF qui à l'époque était une entreprise entièrement intégrée.

 

A suivre, si vous en avez envie bien entendu.

Que la Mémoire Vive.

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D
merci Pascal pour ces explications très concrètes
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P
Chouette article sur un chantier d’urgence. Il semble que la seconde Cat soit une 229D. Merci pour le travail 😉
Répondre
P
Exact Pascalou, c'est bien une 229D