Poclain au barrage de Grand-Maison, cinquième partie
En fouillant dans mes archives, j'ai retrouvé un article de Poclain Journal d'octobre 1983 traitant du chantier de Grand-Maison, je vous le livre ici, en espérant que ce ne soit pas trop long à lire 🤔?
LA MONTAGNE ET LES HOMMES
18 heures. Les camions se sont rangés en épi. Les bungalows mobiles, les machines de perforation et les pelles s'éloignent ; les lumières s'allument, l'activité cesse progressivement.
Tout s'arrête, une sirène retentit : 3 coups longs, 2 coups brefs. Les explosions suivent aussitôt : d'abord le panache de poussière blanche qui éclate contre la montagne, puis le souffle de la déflagration et, simultanément, le bang sonore et la projection des pièces qui retombent:
Le tir journalier vient d'avoir lieu sur le chantier de Grand’Maison. 12 500 m3 de matériaux ont été arrachés d'un seul coup à la montagne.
Nouveau coup de sirène : la vie reprend. Un à un, les dumpers de 50 tonnes vont remonter la piste en lacets. Ils seront chargés par une des 4 pelles 600 CK présentes sur le site.
Grand' Maison, c'est le futur complexe hydro-électrique français des Alpes. Il sera tout-à- fait original de par son fonctionnement : “le transfert d'énergie par pompage”. Cela veut dire simplement que l'usine sera située entre 2 retenues d'eau. La première, de 140 millions de m3, placée au-dessus (amont), alimentera les turbines. La seconde placée après l'usine (aval) d'environ 15 millions de m3 servira de réservoir pour remplir, pendant les heures creuses la retenue amont. Celle-ci étant toujours à sa capacité maxi, quelle que soit la saison, l'usine peut "tourner" à plein et fournir le maximum de courant aux périodes de grandes demandes.
Par contre, la nuit, ou pendant les congés, la demande d'électricité étant très faible, le courant produit par la centrale servira à alimenter les “pompes” pour remplir à nouveau le réservoir supérieur.
Nous sommes ici à plus de 1500 m, dans les Alpes. A cette altitude-là, l'été n'est pas long, et il ne faut pas compter travailler plus de 5 mois par an. Des journées qui comptent double, compte-tenu de l'importance des travaux à réaliser : le barrage par lui-même aura un volume de 12,5 millions de m3, une hauteur de 160 m, une base au sol de 650 m de large.
Pour cela, B.G.M. , un groupement de 9 entreprises, responsable des travaux, s'est organisé en conséquence.
Des équipes de spécialistes partout, un matériel fiable et bien adapté, une organisation sans faille.
Pour les pelles hydrauliques, c'est Poclain qui est présent avec : quatre 600 CK, une 300, deux 220, une 115, quatre 90 P.
Un joli parc qui doit être disponible pratiquement 24 heures sur 24 ! (pas tout-à-fait quand même, puisque le chanter fonctionne en 2 postes de 9 heures). Par contrat avec son client, Poclain s'engage à ce que toutes ses pelles soient disponibles pour travailler 90 % du temps de travail.
90 % de 18 heures tous les jours, dans un chantier dur, c'est un exploit que nous arrivons à tenir.
Bien entendu, notre matériel est bien conçu pour ce genre de travail, mais il est nécessaire qu'il soit bien ”surveillé". C'est pour cela que le SAV France a délégué sur place une équipe de 12 spécialistes travaillant sous la direction de Jean-Claude MONNEUSE.
C'est sur cette équipe que repose la responsabilité du SERVICE.
Bonne organisation de BGM., disions-nous, Poclain n'a rien à envier : sur place, notre équipe dispose d'un “mini SPR” avec les pièces de rechange de première urgence pour les pelles. Un petit atelier "volant”, pour la mécanique, la soudure, etc, comportant vestiaires, sanitaires, 2 Land Rover et un camion d'intervention avec un bras de levage, le tout 4 X 4 bien entendu pour pouvoir aller n'importe où sur le chantier.
Une radio relie tout le monde, Jean-Claude peut à tout moment guider son équipe sur un "problème".
Car des problèmes, il y en a bien sûr , mais la tache de notre équipe est de les éviter ou de les limiter au maximum.
Pour cela, l'estimation et l'analyse des conditions de travail sont fondamentales. Juger quel est le meilleur compromis machine/équipement pour un travail donné, cela est de notre responsabilité. Ce rôle de conseil, auquel on ne pense pas assez souvent, prend ici la première place des prestations.
Le service consiste ensuite à assurer la maintenance des pelles sous un double aspect :
- par une action préventive : la surveillance de l'entretien par les mécaniciens de BGM, l'inspection du matériel pendant les pauses qui permet de déceler des anomalies et de les “rectifier" avant la reprise du travail.
- par une action "curative” en cas de panne ou incident : il faut alors aller très vite, savoir quoi faire et comment le faire C'est alors que l'on profite de l'expérience de ces hommes formés sur les chantiers, habitués à tous les temps, et rompus à toutes les techniques, sachant imaginer dans un cadre pourtant bien limité.
Le 1er Novembre, tout s'arrête sur le chantier "d'en haut”. Tout le matériel descend avant les grosses neiges (il y en a souvent plus de 7 mètres) ; le travail se poursuivra sur le chantier d'en bas, mais à un rythme beaucoup moins rapide.
C'est à ce moment que notre équipe de service va souffler un peu. Oui, un peu, mais pas beaucoup. Toutes les pelles qui sont redescendues vont être pratiquement entièrement démontées par nos amis. Chaque pièce sera vérifiée et changée si elle présente le moindre défaut d'aspect de façon à ce que mai revenu, les pelles puissent remonter au chantier pratiquement neuves. 5 mois pour “refaire” le parc, croyez-nous, il ne faut pas "s’emmêler les pinceaux".
Cela nécessite de maintenir sur place notre équipe.
Nos “Savoyards-du-Plessis” se sont parfaitement organisés. Le chantier commencé en 1980, devant durer jusqu'en 1985, nos amis sont partis avec leur famille, sauf Philippe GOUJEON le seul célibataire de l'équipe.
Femmes et enfants ont suivi et n'ont pas eu trop de mal à s'habituer à cette nouvelle vie. Ils ne sont pas les seuls à être ainsi expatriés pour quelque temps sur des gros chantiers. Nous aurons certainement l'occasion d'aller les voir soit à Montceau-les-Mines, soit à Penly (près de Dieppe).
Dans quelque temps, le chantier de Grand’ Maison sera terminé. Un nouveau paysage amènera sans aucun doute beaucoup de touristes.
Auront-ils la possibilité de se rendre compte des difficultés qu'il aura fallu résoudre pour réussir ce chantier-défi, où le climat oblige à des périodes de très hautes productions coupées de longs mois d'hiver ? Si à ce régime le matériel est particulièrement sollicité (nos 600 ck assurent une production de l'ordre de 350 heures par mois !), une grande partie du mérite en revient à l'équipe de surveillance et d'entretien.
Ces hommes du terrain qui sont au bout de “la chaîne", ont quelquefois l'impression qu'ils sont bien loin de nos préoccupations. Qu'ils se rassurent, il n'en est rien. Le chantier de Grand’Maison nous montre bien l'importance de ce “maillon" dans la grande chaîne que représente le Groupe Poclain.
Je vous livre quelques photos du chantier.
Que la Mémoire Vive.
La suite: sixième épisode
Curieux?? Liens vers les articles consacrés au barrage de Grand-Maison: Article 1 Article 2 Article 3 Article 4