Chassis en Y, pourquoi?
Sur FaceBook, de nombreuses pages ont été ouvertes sur les mêmes thèmes, et Poclain n'échappe pas à la règle. On a plaisir à voir que de nombreuses machines sont encore utilisées par des particuliers ou des agriculteurs, que d'autres sont en cours de restauration et donc de sauvegarde. Merci à tous ces gens qui les sauvent des ferrailleurs chacun suivant leurs moyens mais avec la même passion pour ces vieilles machines.
On y voit aussi des photos postées sans aucune explication ou description, et puis le gros contingent des photos déjà publiées ailleurs, partagées sans compter les repartages des repartages de publications d'autres pages. Difficile de s'y retrouver et de suivre une conversation tant la dilution est importante "putain, où est-ce qu'on en a parlé??" Pour ceux qui ont soif d'en découvrir un peu plus, forcément c'est compliqué. Hier, au hasard d'une page je suis tombé sur une publication d'un jeune pour qui ce blog semblait inconnu qui posait une question simple mais très intéressante: Pourquoi Poclain a choisi des châssis en Y?
C'est vrai que la question mérite qu'on s'y attarde. Alors j'ai fouillé dans mes documents et je pense avoir la réponse ou plutôt les réponses. Il faut remonter à la genèse de l'entreprise, à savoir les ateliers Léger et Bataille à la fin des années 20. Georges Bataille pense que la mécanisation des travaux agricoles est une priorité et il va donc s'atteler à la tâche. Le développement des pneumatiques fait que notre homme va d'abord commencer par les utiliser sur les tombereaux tout en essayant de persuader ses clients que c'est l'avenir. Il observe aussi le manque de manœuvrabilité des remorques. Il va donc créer dès 1936 une remorque avec une seule roue avant qui présente l'avantage de pouvoir abaisser la hauteur de la remorque et donc le centre de gravité, de pivoter sur place et le tout sans déformation de l'ensemble grâce à la qualité du châssis. Ainsi naitra le fameux Trirou Poclain. Je vous laisse découvrir cette publicité achetée sur Ebay il y a une vingtaine d'années mais qui n'est malheureusement pas datée, on dira années 36/40.
Pour tous ceux qui voudraient en savoir un peu plus, je ne peux que leur conseiller de se procurer l'excellente et indispensable œuvre "La mémoire vive", véritable mine d'informations sortie en 1992 et qui a été enrichie lors de la seconde édition des années 2000 par Jacques Parrain et Philippe Fritz entre autres.
Faisons un bond dans le temps. La TU sort en 1951, les premières hydropelles Poclain seront sur remorque attelées à des tracteurs et utilisant la prise de force de ce dernier, puis sur des porteurs divers et variés des surplus militaires bien souvent. Je ne m'attarderai pas sur la TO qui fût la première automotrice mais qui est le fruit du travail du concessionnaire grenoblois de l'époque (voir Charge-Utile hors série n°29). En 1956 la première pelle automotrice est née, la TYA adopte naturellement et historiquement un châssis en Y.
Vous aurez sans doute remarqué sur cette photo la position des stabilisateurs, qui sont tour à tour dénommés dans la brochure stabilisateurs ou bêches d'ancrage comme le montre ce document. Sur cette première version, on note que ceux-ci en position de travail n'augmentent la surface de sustentation mais au contraire sont limités dans l'encombrement du train arrière. Sur l'extrait de la brochure, on nous montre l'inverse, sans doute un effet optique?
Comme pour le Trirou, les ingénieurs du Plessis-Belleville sont convaincus que la maniabilité doit être un des critères essentiels . La pelle est équipée du pont moteur à différentiel, d'une boite à 5 rapports, d'un freinage à air Westinghouse couplé sur la pédale mais aussi individuel (gauche ou droite) à l'aide de deux leviers à main. Ainsi, grâce à toutes ces caractéristiques et celles de son essieu directeur en pivot, la pelle peut tourner sur elle-même, ce qui ne serait pas le cas avec un essieu "classique". La maniabilité encore et toujours. Ayez aussi à l'esprit que la rotation de la tourelle n'est pas complète mais limitée à 270° et se fait encore à l'aide de deux vérins, ce qui oblige le pelleur à se positionner différemment. De plus la machine ne circule qu'à la vitesse maximale de 15 km/h, et pour les trajets plus importants, le remorquage est souvent utilisé et est donc facilité par cet essieu pivot sur lequel est fixée la barre de remorquage comme le montre ces documents.
Nous en sommes aux prémices de celle qui sera développée par la suite, la fameuse TY45, le couteau suisse de POCLAIN. J'espère que ces quelques informations vous auront permis de comprendre un peu mieux ce choix de châssis en Y qui fût aussi utilisé chez Liebherr ou Yumbo. Comme toujours n'hésitez pas à laisser vos commentaires et de me signaler les erreurs.
Que la Mémoire Vive.